Retour en arrière: le bilan des débuts de Stuart et Uber Eats à Lyon

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Il y avait beaucoup à dire au cours du mois écoulé, notamment concernant les variations des (folles) rémunérations chez Uber, et la (non) réaction de Deliveroo, mais pour raisons personnelles j’avais la tête loin de tout ça.

Voici tout de même un petit récap de l’actu de la foodtech à Lyon au cours du dernier mois.

Uber écrase tout, Deliveroo fait comme si de rien n’était.

Semaine de lancement

Comme je le disais dans mon précédent article, j’avais de gros doutes concernant Uber Eats. Y aurait-il des commandes, la rémunération sera t-elle réellement attractive à moyen terme?

Lors de leur première semaine de lancement fin novembre, ils nous assuraient entre 10 et 13 euros net de l’heure, plus 3 euros par livraison (créneaux 12/14h et 19/22h). De quoi dépasser ma rémunération actuelle chez Deliveroo avec seulement une commande par heure.

J’avais toutefois une réserve concernant le volume d’activité. Réserve vite levée puisque après les deux premiers jours quasi blancs (pré-lancement du service) j’ai vite tourné autour de 2 courses par heure, soit un niveau d’activité plutôt rare chez Deliveroo Lyon ses derniers temps!

Idem pour le taux horaire: 17,5€/h en novembre, montant que j’ai n’ai atteint que pendant mes deux meilleurs mois seulement à Paris. A Lyon j’étais tombé à 13 euros et quelques chez Deliveroo, notamment à cause du surnombre artificiel qu’ils ont mis en place sur les shifts: bourrer les créneaux avec des gars à 5€ la course ne leur coûte rien, mais fait chuter la rentabilité de tous les coursiers.

Du coup, je n’ai pas cru assez en Uber en début de première semaine dans l’optique de viser les 50 courses et je n’ai pas bossé autant que j’aurais du le faire. C’était largement faisable, puisque j’en ai fait 32 en ne bossant pas certains jours, et en me limitant les soirs à 22h (alors qu’on pouvait aller jusqu’à 23h). Cela me permet tout de même de toucher le bonus de 100€ pour 30 courses ou plus, faisant passer le taux horaire de la semaine à pas loin de 19€/h!

A noter deux petits hics concernant Uber: ils sont paranos par rapport à leur base client, du coup ils ne nous donnent que le prénom et l’initiale de la personne à livrer. Comme celle ci omet toujours de donner des infos supplémentaires, il faut téléphoner au client à chaque fois pour savoir à quel nom sonner!

Ensuite, les distances sont encore plus longues que chez Deliveroo (et non pas limité à 2,5 km comme ils nous l’avaient affirmé), avec la possibilité de finir son shift au fin fond de Lyon…

Deuxième semaine: journées continues et bonus SMS

A la fin de la première semaine, Uber nous communique la tarification de la semaine suivante: les rémunérations ne bougent pas, mais il est désormais possible de bosser de 11h à 23h!

Les créneaux 11/12h, 14/19h et 22/23h ne sont rémunérés ‘que’ 7€/h (plus 3€/course), mais cela permet d’assurer 100 à 115€/jour en plus des commandes!

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Les tarifications Uber du 28 novembre au 4 décembre (semaine 2) – Il faut rajouter 3€ par livraison

Il faut croire que cela ne suffit pas à rameuter les coursiers Lyonnais car Uber va alors user de son arme de destruction massive favorite: les bonus SMS!

En gros, tout au long de cette deuxième semaine, les livreurs qui n’étaient pas déjà sur la route pour Uber recevaient, aux environ de 20h des messages du style: « si vous vous connectez 1h d’ici 22h, on vous donne un bonus (cumulable) de 20€ ». Le maximum que j’ai vu passé était 50€ pour 1h30 de connexion.

Si on rajoute les 10 à 13€ de base, plus 2 livraisons par heure, certains ont ainsi pu gagner 70 à 80€ en moins de 2 heures.

N’étant pas sur place à Lyon (j’avais 20 bonnes minutes de vélo pour m’y rendre), et devant veiller sur mon chien mourant, je n’ai guère pu profiter de tout cela.

J’ai quand même pu participer au méga holdup du dimanche 4 décembre, qui restera dans mon top 3 des shifts les plus rentables de l’année (le plus rentable tout court après vérification…). Uber va en effet mettre en place un bonus de 100€ pour une connexion de 18 à 22h. En contrepartie c’est un bonus qui remplace toutes les autres rémunérations (les courses et le tarif horaire de base ne s’y additionnent pas). Peu avant 22h, on reçoit un autre SMS qui nous assure 20€ supplémentaire si on reste connecté jusqu’à 23h, en plus de tout le reste (les 7€ de l’heure et les courses).

Je n’ai pas eu d’autres courses pendant cette dernière heure, mais j’ai donc touché 27€ en plus :), soit 127€ les 5 heures de connexion (25,4€/h).

Voila qui va préfigurer la nouvelle forme de rémunération que va mettre en place Uber les semaines suivantes: prime horaire, et non plus taux horaire plus livraisons.

Semaine 3 et 4: les taux horaires et les frais Uber

Les semaines suivantes la manière de rémunérer change complètement: exit le taux horaire auquel s’additionnaient les commandes, on passe à un taux horaire brut soumis à de multiples conditions.

Ainsi les midis passent à 20€ brut de l’heure, les après midi à 13€, les soirs en semaine (lundi à jeudi) à 25€ et les soirs du week end à 28€!

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Tarifications Uber pour les semaines 3 et 4 (du 5 au 18 décembre). Les courses ne sont plus comptabilisées en sus, et il faut retrancher 25% de frais Uber

Sauf que c’est du brut ‘Uber’. Après retrait des frais de services Uber de 25%, cela passe respectivement à 15€/heure (les midis), un peu moins de 10 les après midi, 18,75 les soirs de semaine et 21 les soirs de week end!

Ça reste toujours très largement supérieur à ce que propose la concurrence (sauf peut être pour ceux qui sont à 4€ la course chez Deliveroo/Foodora), mais il y a quelques ‘hics’:

-il faut un taux d’acceptation de 90%. Si vous loupez quelques courses à cause d’une couverture réseaux de mauvaise qualité, exit les minimum garantis: vous ne serez payé qu’à la course soit autour de 10€ de l’heure!

-il faut une moyenne de une commande par heure sur la semaine. En théorie rien de bien difficile, mais cela veut dire éviter de trop bosser les après midis, synonymes de peu de commandes. Ou alors devoir calculer à chaque fois si votre moyenne est dans les clous avant d’aller bosser sur des créneaux ‘calmes’

-exit la ‘carotte’ de la course. Mis à part surveiller que sa moyenne reste supérieure à 1, il n’y a plus aucun intérêt de se tuer à la tâche puisque l’on est payé à l’heure. Perso, j’aimais bien carburer aux heures de pointes pour aller chercher des courses, à quoi bon dorénavant? Exemple typique des midis: je tournais à 2 course/heures plus le taux horaire de 10€, soit 16€ net. Dorénavant que je roule en mode premium rush ou que je me ballade je serais à 15€/h les midis.

En pratique, je n’ai pas rencontré de problème particulier lors de la mise en place de cette nouvelle grille tarifaire: j’ai tourné à un peu moins de 2 courses par heure, mais j’ai peu bossé pour les raisons déjà évoquées plus haut.

Pour les plus courageux qui faisaient des journées de 11 heures à 23 heures, il y avait moyen de gagner…1200€ par semaine avec cette tarification!

Semaines des fêtes de fin d’année, et la suite: Uber montre son véritable visage

A partir de la semaine du 19 décembre, Uber s’est enfin dévoilé en baissant ses tarifications de 30 à 60%!!

Comme je l’écrivais dans un ancien article concernant Paris, et dans un schéma qui se répète ils sont passés de la boite la plus intéressante à celle la moins rémunératrice.

Primes horaire pour Noel
Primes horaires semaine de Noel

 

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Primes horaires semaine du jour de l’an

 

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Primes horaires à partir de début janvier (première version)

Les midis passent de 15 à 10,75 de l’heure net dans un premier temps, puis à 9€ (13 x 0.75) dès le 2 janvier 2017.

Les après midi passent de 10€ à 7,5€ (soit 25% en dessous du smic -qui est de 7.5€ net- car il faut retrancher ensuite le RSI), puis les minimums ont été purement et simplement supprimés ce 2 janvier: vous serez donc payé à la course, à vos risques et périls!

Les soirs (18/22h) passent tout d’abord à un peu plus de 14€ ‘net uber’ en moyenne sur les 4 heures, puis à moins de 11€ de l’heure!

Rébellion des coursiers, et déconnexion massive

Alors évidemment, comme à Paris la plupart des gars sérieux sont retournés à la concurrence, ce qui fait que dès le premier jour de la nouvelle tarification 2017 j’ai été harcelé tout comme mes collègues par SMS pour venir bosser quelques heures moyennant une hausse des tarifications de la journée. Beaucoup ont joué le jeux de la non connexion jusqu’au dernier moment, ce qui fait que la boite a tout simplement fini par lâcher des gros bonus permettant à certains d’aller toucher jusqu’à 70€ pour deux heures de taf.

Au final, après des déconnexions massives et une revendication via un porte parole organisées sur Facebook et des multiples augmentations au jour le jour, Uber est revenu sur sa dernière tarification, pour en proposer une nouvelle bien plus attractive (hormis les midi / aprem, toujours payé au smic ou en dessous), qui court jusqu’au 22 janvier:

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Primes horaires à partir du 9 janvier (après déconnexion massive)

Cool, mais on va jouer à ce petit jeu tous les jours? Voila qui remet en lumière le principal problème d’Uber Eats, à savoir l’inconstance des rémunérations, ce qui est inacceptable pour les coursiers professionnels que nous sommes. Ce n’est pas un jeu, mais notre travail, on a des loyers, des charges, pour certains une famille, etc…

En plus il ne faut pas se focaliser sur les heures de pointes: les créneaux 18/19h et 22/ minuit (il en effet possible de bosser jusqu’à minuit contre 23h auparavant) sont toujours sous payés, sans parler des après midi (5€ net de l’heure après RSI, are you fucking serious?) et des midis.

 

Que fait Deliveroo pendant ce temps? Rien, ou presque!

Alors pendant ce temps là, les coursiers ont évidemment pas mal désertés Deliveroo. Les plannings qui étaient habituellement full se sont vidés au fil des semaines, atteignant des plus bas de 22 à 25% de remplissage (contre 70 à 90% en temps normal).

Ils ont bien tenté de lancer le ridicule ‘flexishit’ permettant de s’inscrire à un shift spécial autorisant la déconnexion à l’heure de son choix. Ok, mais les tarifications on en parle? Car ce n’est pas la flexibilité qui a fait migrer les coursiers chez la concurrence…

Ce flexishit n’a en plus été mis en place qu’une ou deux fois. Ils ont du se rendre compte du ridicule de la situation: on pouvait s’inscrire pour bosser une heure ou deux, et dès que Uber envoyait son SMS de bonus, hop, on passe à la concurrence pour aller gratter ses 35€ de l’heure.

Pas un geste financier pour inciter les anciens à revenir, hormis quelques primes et concours de Noel/jour de l’an.

Mais un paradoxe va mettre en lumière l’arnaque mise en place par la direction depuis des mois.

En effet, il y a désormais un manque de coursiers pour assurer les livraisons. Si je prend pour exemple la zone pour laquelle je bossais, on est passé d’une trentaine de coursiers à moins de 10 les soirs. Le résultat: il est dorénavant possible de faire 12 à 15 courses par soir et donc de gagner à peu près autant que les bonnes soirées chez Uber (avec mon ‘ancienne’ tarification en tout cas).

Cela prouve qu‘ils avaient bien surchargés volontairement les plannings (avec une majorité de coursiers qui n’est plus payé à l’heure cela ne leur coûte rien) afin d’assurer des livraisons plus rapides et un maillage des zones plus fin, avec pour conséquence de faire plonger le nombre de commandes par livreur et donc les rémunérations.

Avant de basculer chez Uber, je ne faisais plus que 6 à 8 courses par soir (contre 11 en moyenne à Paris et 8/9 en arrivant à Lyon) tombant même à 14 courses sur une journée complète (contre 25 cet été)!

Depuis que j’ai laissé tombé Uber pour retourner chez Deliveroo, j’en fait désormais presque le double!

Auparavant je leur accordais le bénéfice du doute:  ce n’est pas une mince affaire que de satisfaire et synchroniser clients, restaurateurs, coursiers et de s’accorder une marge bénéficiaire afin de faire vivre la boite. Mais ils ont confirmé via un email aux coursiers bordelais qu‘ils surchargeaient bien volontairement les plannings pour contrebalancer les glandeurs qui profitaient du système.

J’avais pas rêvé en septembre quand le nombre de coursiers sur les shifts du midi étaient passés de 8 à 15 en une semaine pendant que mes commandes chutaient de 7 à 4…

Peut on faire plus pourrie comme mentalité? Le pire, c’est que les distances n’ont jamais été raccourcies pendant cette période de surcharge, alors qu’avec un surnombre de coursiers on aurait dû moins rouler.

Bref, malgré tout Deliveroo est désormais extrêmement rentable dans mon cas (tarification horaire plus 3€ la livraison), car j’arrive enfin à tourner à plus de 2.5 courses par heure, même pendant les midis et les aprems! Retour donc à des gains horaires compris entre 15 et 19€!

Pour ceux à deux euros la course il faudra faire ses calculs. Pour ceux payés exclusivement à la course, Uber est sans doute encore le plus avantageux.

A noter que le challenge mis en place pendant les fêtes est reconduit: pendant la première quinzaine de janvier les bonus suivants sont mis en place:

  • 50 € pour 50 courses réalisés (les soirs)
  • 200€ pour 100 courses
  • 500€ pour 200 courses (impossible à atteindre sauf à scooter puisqu’il faut faire plus de 13 courses tous les soirs)

Mais Deliveroo est en train d’harceler par téléphone ses anciens coursiers pour les faire revenir, embauche le plus possible et recherche carrément des coursiers en scooter (alors qu’ils n’en prenaient plus depuis longtemps)!

Donc il faudra voir à moyen terme si le nombre de courses par heure se remet à chuter ou pas…

Stuart continue son petit bonhomme de chemin

Sans faire de bruit, Stuart continue de s’étendre régulièrement avec des nouveaux partenariats annoncés de temps en temps (réseau ‘Allo resto’ notamment).

La paye de base est certes (très) faible (d’autant qu’il y a toujours assez peu de courses, donc impossible d’exploser les minimums), mais il s’agit de la boîte qui apparaît la plus humaine face aux mastodontes de la foodtech.

Heureusement, les fameux bonus (le plus de courses, de distance, et de montées sur une soirée) sont facilement atteignables. Je n’ai pas beaucoup bossé pour eux, mais à chaque fois ou presque j’ai réussi à avoir les 3 bonus. Ce qui fait passer la soirée de 36€ les 4 heures à 66, voir 71 le week end, un taux horaire sur 4 heures proche des limites hautes de la concurrence, voire au dessus!

J’ai même réussi une fois à dépasser les minimums de quelques euros (!), ce qui avec mes 3 bonus m’a donné un taux horaire de 19€!

Il est donc possible de très bien gagner avec Stuart, mais c’est un peu du quitte ou double: sans bonus une soirée à 36€ c’est la lose absolue!

 

Foodora?

Ne travaillant pas pour Foodora, et n’ayant aucun retour concernant leur évolution (ou pas) depuis l’arrivée de la concurrence sur Lyon, je ne peux donc pas me prononcer sur eux. Donc si vous bossez pour Foodora Lyon et souhaitez témoigner, n’hésiter pas à laisser un avis en commentaire!

 

Bilan

Le milieu des coursiers/livreurs foodtech est extrêmement dynamique en ce moment sur Lyon. On vit peut être un âge d’or, qui me rappelle mes débuts en Janvier dernier à Paris. L’effet de concurrence met la pression à chacun des acteurs, l’argent coule (enfin) à flot, et avec un peu de chance, de coup de poker, en ciblant bien ses besoins il est possible de se faire des soirées rémunérées entre 15 et 20 euros de l’heure.

Combien de temps cela va durer? Quels acteurs survivront à moyen terme? Réponse d’ici quelques mois!

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